Présentation du livre
» Ce livre est un essai général sur un auteur tenu pour la plupart pour le plus grand philosophe et prosateur chinois Tchouang-tseu (356-286 avant notre ère) il se situe à l’origine du taoïsme philosophique et religieux.
Ses thèses audacieuses, ses vertigineuses leçons métaphysiques, son ironie noire contre toute forme d’autorité s’épanouissent sous la forme de dialogues, fables et historiettes souvent déroutantes, que Romain Graziani traduit, commente et interprète en en dégageant les enjeux, avec le souci constant de tirer, sinon des leçons, du moins un éclairage transversal sur notre condition actuelle.
Le lecteur y trouvera une introduction à l’une des formes de pensée les plus radicales qu’ait produites la Chine, aux antipodes de l’humanisme confucéen, de sa sagesse grise et de sa religion hypocrite de la bonté »
Du régime de vie des hommes authentiques (de jadis)
Extraits du chapitre 6, (page 271 à 298)
Ciel et Homme : les deux registres de l’agir
- Prendre conscience de l’agir du ciel, c’est se rendre attentif à la façon dont nous sommes « agis » de l’intérieur par un ensemble de forces, de dispositions lorsque la conscience cesse de gauchir, voiler, biaiser l’opérativité de la puissance interne, le Qi, qui anime le corps »
- Les hommes authentiques sont comme des êtres « agis » ou « nourris » par le ciel.
- Le Ciel est une force, l’Humain est une force ; l’activité globale d’une personne est déterminée essentiellement par ce rapport de force.
Des signes du ciel dans le corps
- En de tels hommes, l’esprit s’absorbe dans l’oubli, le visage est paisible, tout le front s’élargit ; désolés comme l’automne, doux comme le printemps, leurs colères et leur joie communiquent avec les saisons.
- Ils s’ajustent aux choses et nul ne sait jusqu’où…
Enrôlement de l’air
- Qu’est-ce qui, mieux que la respiration, peut exprimer cet échange continuel entre le moi et le monde, le dedans et le dehors, mieux que cette activité continue qui commence avant la naissance et ne s’arrête qu’à l’instant de la mort ?
- Le type d’échange que nous avons avec l’air marque infailliblement la pulsation de notre rythme vital.
- La multitude, qui ne respire que par la gorge, suffoque, le souffle entravé, et semble vomir ses paroles…
- Au contraire l’homme authentique, respirant par les talons se retrouve dans sa physiologie ; il s’agit seulement de comprendre que la respiration est autre chose que l’action d’inhaler et de cracher de l’air par les narines et la bouche mais que c’est une façon de se remplir, de se nourrir de l’extérieur et de « redonner » l’intérieur à chaque seconde, selon le processus duel en phase avec le fonctionnement du monde : un coup Yin, un coup Yang. En respirant par les talons, tout le corps est sollicité et bénéficie de fond en comble du renouvellement continu du souffle énergétique qui nous constitue et nous anime. L’homme prend alors racine dans le sol ce qui fait affluer le souffle Yin qui le nourrit, en un mouvement ascendant.
- Leurs humeurs internes évoluent au diapason du temps qu’il fait. Ils ajustent l’humain au ciel dans une pensée qui conçoit le souffle vital, le Qi, comme le principe unique et continu des transformations atmosphériques et des influx physiologiques.
- Les émotions ne sont pensées que comme les modulations internes d’un climat global affectant le monde se manifestant sous forme des saisons au niveau du ciel et d’affects sur le plan corporel.
Etre authentiquement homme c’est maintenir le double compagnonnage du ciel et de l’homme, le céleste par quoi tout se fait et l’humain par quoi nous faisons le monde.
Posted on 14 février 2015
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