Le Jin Ye, comme beaucoup de choses en Médecine Chinoise, sont un couple décrivant l’ensemble des liquides physiologiques de l’organisme.
Il s’agit donc d’un couple yin-yang : Jin est plus clair et plus dilué / Ye est plus trouble et plus épais
Les Jin 津clairs et solubles, se combinent avec le Qi et le Sang pour les aider à circuler dans le corps (pour le sang, pensez à ces personnes dont le sang est trop épais). Les Jin sont aussi distribués à la surface du corps humidifiant et formant les larmes, la sueur…
Le Ye液, plus cachés et plus troubles, nourrissent les articulations, les fasciae, et les cavités craniales.
Ceci dit la frontière entre les 2 n’est (comme partout en MTC) par stricte, puisqu’il s’agit d’un couple yin-yang. Il faut plutôt considérer l’ensemble Jin-Ye comme un liquide physiologique avec un aspect Yin et un aspect Yang.
Les JinYe jouent un rôle capital dans l’organisme : rappelons que nous sommes composés en grande majorité d’eau. Ils représentent cet aspect liquidien, et sont donc à étudier profondément. D’autant plus que beaucoup de pathologies dérivent de dérégulations au niveau des Jin Ye :
• par manque d’apport : boisson, nourriture de plus en plus sèche
• par troubles de la circulation : pensez aux personnes sous anti-coagulant, sous diurétiques, sous corticoïdes …
Caractères
Ils comportent la clé de l’eau (qui renseigne sur le domaine d’application du terme)
Jin 津 : à la clé de l’eau, à laquelle est associé… un pinceau ; imaginez un pinceau mouillé qui laisse de l’humidité sur une surface. Jin est aussi un « gué » où l’eau est claire et peu profonde, et circule vivement (Elisabeth Rochat de la Vallée, « les 101 notions-clés en médecine chinoise », Guy Trédaniel Editeur, p.30). C’est pourquoi « les Jin sont les plus fluides et légers des liquides corporels ; ils circulent rapidement et sont soumis à un mouvement centrifuge, de nature yang qui les fait quitter le corps (sueur, urines) quand ils ont rempli leur fonction de nettoyage, clarification, purification, rafraîchissement…» (extrait du même ouvrage)
Ye 液 : le caractère associé à l’eau représente la nuit : les Ye sont donc naturellement plus yin, plus centripètes, et demeureront plus en interne dans le corps (articulations, moelles …)
Fonctions
Les fonctions principales des JinYe sont la nutrition et l’humidification.
Les Jin Ye parcourent le corps pour humidifier les organes internes et se répandent à la surface du corps pour humidifier la peau, les cheveux, les muscles.
Ils se distribuent à toutes les zones du corps :
• les plus superficielles : peau, cheveux
• les internes : muscles, fasciae, organes
• les plus internes : moelle, cerveau
Classification des Jin Ye
Les JinYe s’appuient également sur la théorie des cinq aliments. C’est pourquoi à chaque élément, à chaque organe correspond un Ye.
Ainsi :
• la sueur est le Ye du Cœur
• la pituite est le Ye du Poumon
• les larmes sont le Ye du Foie
• la salive claire est le Ye de la Rate
• la salive épaisse est le Ye du Rein
On remarquera que la médecine chinoise fait la différence entre la salive claire et la salive épaisse : en fin d’article, nous détaillerons cette différence.
Le Ye d’un organe permet d’avoir des informations sur l’organe. Ainsi, une personne avec le nez bouché de manière chronique aura une affection au niveau du système pulmonaire.
Par exemple, si le Poumon doit se défendre contre un agent pathogène (Xie Qi), il pourra produire des sécrétions nasales (Ye) en plus pour se protéger. On aura un tableau de plénitude (typiquement, le nez bouché qui coule transparent en hiver suite à un coup de froid).
Si l’affection devient chronique, le système du Poumon peut s’en trouver affaibli. Alors il ne pourra plus produire suffisamment de substance, et la personne souffrira de sécheresse nasale, ou de sécrétions trop sèches, bouchant l’orifice du poumon. On aura un tableau de vide (typiquement les personnes qui ont besoin de s’humidifier le nez plusieurs fois par jour).
Chez une personne avec sialorrhée, ou bouche trop sèche par exemple, on cherchera un déséquilibre au niveau de l’organe Rate et de l’organe Rein
Formation et circulation
Les JinYe sont issus de la combinaison du GuQi issu des aliments.
La distribution et l’excrétion des JinYe utilise des voies spécifiques : les voies du Triple Réchauffeur (San Jiao 三焦).
La fonction de transport est celle de la Rate (pi zhu yun hua 脾主运化) ;
Mais la fonction de diffusion dans le corps s’appuie sur le Poumon (fei zhu xuan fa 肺主宣发)
La régulation du métabolisme de l’eau est sous l’égide du Rein (shen zhe zhu shui肾折主水), ce qui rejoint bien la physiologie occidentale.
L’image classique de la circulation de l’eau est celle … de la circulation de l’eau sur la planète.
1. L’eau des océans s’évapore : c’est le rôle des Reins, véritable tampon liquidien du corps (la mer, véritable tampon liquidien de la Terre). Cette évaporation monte, et c’est le travail du Yang des Reins (aidé par la Vessie, qui représente un aspect Yang du Rein).
2. Cette évaporation se transforme en nuages (image du réchauffeur supérieur) qui vont se disperser et laisser diffuser partout vers le bas en pluie cette humidité : c’est le rôle du Poumon ; pensez à cette sculpture de Folon avec son parapluie.
3. Puis l’eau circule sur Terre (la Rate est liée à l’élément Terre) , se rassemblera en ruisseaux, rivières qui devront circuler harmonieusement (pi zhu yun hua), véhiculant limons et nutriments sur les sols rencontrés, avant se continuer et de se jeter dans l’océan…et le cycle recommence,
Schéma de la diffusion..à venir
Dysharmonie des Jin Ye
Lorsque les JinYe ne sont pas correctement produits ou transportés, par la Rate, les Poumons, ou les Reins, alors ils peuvent stagner, ou être insuffisants.
Pensez à une rivière : lorsqu’elle coule normalement, elle est claire, pure et peut nourrir en abondance les Terres qu’elle traverse.
Mais si le lit s’amenuise, on pourra avoir des phénomènes de sécheresse.
Si trop d’eau arrive, elle se déversera hors de son lit et pourra créer crues et dégâts.
Si par ailleurs, elle ne circule pas bien et stagne, elle pourra ou s’évaporer, ou se transformer en marécage stagnant, source au développement bactérien, algues…
Le processus des JinYe suit le même principe dans le corps humain ; s’il est insuffisant, on pourra avoir des phénomènes de sécheresse (oculaire, yeux, bouche…), ou d’humidité pathogène (oedèmes,…), voire de glaires (crachats pulmonaires, goître, …). Les derniers phénomènes étant connus sous le nom de Tan Yin (痰饮), littéralement Glaires-Humidité.
Les bienfaits de la salive
Salive claire et Salive épaisse
En occident, nous avons coutume de ne considérer que… la salive. En MTC, on considère …deux salives.
La salive « claire » est celle que nous produisons pour digérer, celle qui humidifie le bol alimentaire, composée notamment d’amylases nous aidant à décomposer ce bol. Elle est sous l’emblème de la Rate.
La salive « épaisse » est celle que nous produisons plus « profondément » : on la retrouve lorsqu’on court : au bout d’un certain temps, nous produisons une « autre » salive, qui est en général celle que nous crachons (pensez à cet footballeurs qui crachent régulièrement pendant qu’ils jouent). Cette salive-là est liée aux reins. D’ailleurs, en MTC, il est déconseillé de « cracher » : cette salive est considérée comme un des trésors du Rein, au même titre que le sperme.
La salive comme bien précieux
La salive (claire et épaisse) est considérée comme une substance extrêmement précieuse en médecine chinoise et en taoïsme. En effet, en tant que liquide de la Rate et du Rein, elle constitue un « capital » de ces deux organes. La cracher ou la gâcher revient à « jeter de la nourriture ou de l’argent par les fenêtres ».
Cultiver la salive : le Qi Gong de la langue
Par ailleurs, la cultiver et la promouvoir constitue un des exercices connu en Qi Gong, et chez les taoïstes. Il s’agit de faire tourner la langue dans sa bouche, sur la surface externe des gencives dans le sens des aiguilles d’une montre, puis dans le sens inverse, un certain nombre de fois (36), puis de faire pareil sur la surface interne des gencives.
Et avaler la salive produite, comme un élixir
« Gardant la bouche fermée, je replie la langue et avale la salive pour l’embryon.
Cela me permet de pratiquer vite et garantit un bel envol à mon esprit »
(« Le livre de la Cour Jaune », classique taoïste des IV-Vè siècles, traduit et annoté par Patrick Carré, éditions du Seuil).
Posted on 23 février 2016
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