Bulletin n°34 juillet 2017 –
Biodiversite du Qi Gong
Lorsque le mot Qi Gong est « né », le 3 mars 1949, c’est pour regrouper sous ce
nom les techniques à visée exclusivement prophylactique et thérapeutique qui avaient été soigneusement et cliniquement étudiées dans des institutions spécialisées avec le soutien du gouvernement communiste.
Il s’agissait également de détruire l’univers social et symbolique des Maîtres
Traditionnels, « plein de superstitions féodales », tout en récupérant leurs
techniques pour former un nouveau corps de « travailleurs médicaux ».
Le succès du nouveau Qi Gong devait entrainer, dans les années 80, l’éclosion de
nouvelles méthodes. Certains Maîtres sortirent de l’ombre et de leur réserve pour
contribuer « à la patrie socialiste » en révélant des techniques traditionnelles et en acceptant de les faire rentrer dans le moule de l’enseignement de masse et dans
les normes du nouveau vocabulaire de la discipline.
Pendant ce temps, à Taïwan et dans la diaspora chinoise perduraient les anciens
modes de transmission. Mais le succès mondial du Qi Gong devait entrainer là
aussi de nouveaux modes de transmission hors des cadres traditionnels, sombrant
parfois dans le mercantilisme et la massification.
Il est intéressant d’avoir une idée de la diversité des traditions et de la répartition des Maîtres dans ces traditions au moment de l’explosion du Qi Gong en Chine Populaire, dans les années 1980 :
- 47.5% sont de tradition martiale
- 34.8% sont de tradition médicale
- 10.2% sont de tradition bouddhiste
- 9.5% sont de tradition taoïste
- 4.4% sont de tradition lettrée/confucianiste
- 2.5% sont de tradition reliée aux philosophies des mutations
(Yi Jing, Zhou Dunyi,…)
- 1.9% sont de tradition en quête de pouvoirs paranormaux
- 0.6% sont de tradition musulmane
Le Qi Gong comme discipline autonome est donc un art jeune, dont les racines sont
pourtant fort anciennes, remontant aux époques où les techniques du Qi n’étaient
qu’un élément dans un ensemble plus vaste.
Le Qi Gong n’est pas un art uniforme, sa diversité est à la grandeur de l’espace de
la Chine, sa richesse aussi… et ses contradictions !
Le Qi Gong est en train de mûrir.
Il me semble que lorsqu’il est arrivé sur notre sol, dont nous savons le goût
pour la l’Art et la Philosophie, pour l’Artisanat aussi, le Qi Gong s’est retrouvé à
s’interroger sur sa nature d’Art.
Art de vivre, Art du Souffle-Energie, Art de l’instant présent, Art du geste, Art
tout court… Le mot Art revient si souvent dans les commentaires que vous nous
adressez, dans les échanges que nous avons ensemble.
Je ne rentrerai pas dans le débat de définir l’Art (je vous laisse le soin de creuser
cela !), mais aujourd’hui le constat est simple : le Qi Gong en France est un Art
mûrissant dont la biodiversité est foisonnante.
Cette biodiversité que nous nous sommes fait un devoir de préserver au sein de
l’Union Pro. Préserver les écoles traditionnelles, celles qui sortirent de l’ombre dans les années 80 comme celles qui n’en sortirent pas car protégées par la diaspora, mais qui acceptèrent de s’ouvrir, les écoles nées en 1949 et après, celles qui purent renaître de leurs cendres également, ainsi que toutes les philosophies et les anthropologies qui les accompagnent.
Cette richesse, nous la partageons au travers des Ecoles affiliées à l’Union Pro.
Elles sont représentatives de cette belle biodiversité. Certaines préparent à des
diplômes, d’autres se contentent de transmettre fidèlement des savoirs anciens
ou modernes.
Petit à petit elles se dévoileront à vous, dans leurs diversités, leurs conceptions
parfois en harmonie et parfois en opposition.
Petit à petit également vous irez les fréquenter de l’intérieur, pour vous nourrir de
leurs influences.
Peut-être que dans certaines vous vous arrêterez, et que dans d’autres vous ne
ferez que passer.
Mais, in fine, le seul témoin de cet Art mûrissant, c’est vous, dans vos cours, dans
votre quotidien. Vous êtes la seule manifestation de votre Art à vous, votre Art
personnel, cette façon unique de que vous avez de l’interpréter.
Mais que vaut un Art qui n’a pas de racines ? Picasso le cubiste n’a-t-il pas eu
une période bleue et une période rose ? Les meilleurs jazzmen ne sont-ils pas
également des musiciens classiques accomplis ?
Celui ou celle qui est sans racines n’a nulle part où revenir, rien sur quoi créer ou
sur quoi se dresser, celui ou celle qui n’a pas d’attaches ne connait pas la liberté,
celui ou celle qui n’a pas de cadre n’a rien à dépasser…
C’est pour cela, pour que votre Art mûrisse et nourrisse votre Vie, que nous, nous
nous unissons pour préserver nos racines, cette biodiversité des enseignements et
des Ecoles.
Posted on 1 août 2017
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